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L'enfance de Chateaubriand ne fut ni triste ni solitaire. Ce fut l'enfance d'un nanti de province avec des parents tout à fait dans le ton de nos campagnes : taiseux et non démonstratifs, alors début XIXè...
Destiné à la Marine, il fait des études décousues puis retour à Combourg : il songe à se faire prêtre, il n'a pas 20 ans.
Il écrit même que sans cette distance et les moments de solitude qu'il s'octroyait, jamais il n'aurait été attiré par l'écriture.
Il est inséparable de sa soeur Lucile, s'attache aux idées de la Révolution pour -à 23 ans- partir pour l'Amérique (grande saignée pécuniaire des parents...), s'éloigner de sa "foi bretonne" et commencer "Les Natchez".
Beaucoup plus difficiles seront les années d'exil (1792-1800). Il a rejoint l'Armée des Emigrés, vacciné par ce dont accouche la RF. Blessé à Thionville, il traverse quasi mourant la Belgique et se réfugie à Londres. Là, c'est la dèche ! Il connait la faim, le froid, leçons et traductions ne suffisent pas à joindre les deux bouts. La nuit, il travaille sur "Essai sur les Révolutions" où il s'exprime sur ses désillusions et ses doutes. En 1798, après le décès de sa mère et sa soeur, il revient à la religion d'où le "Génie du Christianisme" qui parait en 1800 à Londres déjà abandonnée par l'écrivain qui rejoint la France.
On peut comprendre ses coups de griffes concernant Louis XVIII qui ne lui accordera pas les postes escomptes et estimés dus. Ce qui n'empêche pas l'écrivain de suivre le monarque pendant les Cent-Jours. Il sera ministre de l'Intérieur puis pair de France mais aucun ministère cette fois.
Chateaubriand entre alors dans le cadre des éternels opposants et devient un des chefs de la droite, revendiquant le pouvoir pour les Ultras. Il fait chuter Decazes via son journal "Conservateur", après l'assassinat du duc de Berry.
Pour l'éloigner le roi le nomme ambassadeur à Berlin (j'ai un doute sur sa 1ère ambassade...), puis Londres. Ministre des Affaires Etrangères, il s'empresse de monter l'expédition d'Espagne.
1824, on se passe de ses services ce qui le fait retourner chez les opposants (Hugo aura décidément suivi la trajectoire) : il combat Villèle. L'âge l'ayant un peu calmé ainsi que les bouderies de Mme de Récamier : il publie ses travaux.
S'il condamne les Ordonnances, il se met à la disposition de Charles X, acceptera des missions à Rome et à Prague.
Il estime sa vieillesse mélancolique mais chaque jour le voit chez Mme de Récamier où il donne lecture des Mémoires d'Outre-Tombe : elle est devenue aveugle et lui à moitié paralysé.
C'est donc non seulement une vie bien remplie mais dont plus d'un envierait l'enfance provinciale. J'ai été plus qu'étonnée de lire que son père acceptait chaque soir le baiser de ses deux enfants. L'isolement était le fait du château, son père taciturne s'était réservé une tourelle ; sa mère pieuse avait pris la chambre du dessus : restait donc aux enfants le reste du château et comme il était courant dans ces familles, les enfants jouissaient d'une aile différente de celle du couple.
Je songe à "René" dont certains passages auraient enchanté un homme tel Diederichs
: Chateaubriand lui-même qualifiera ces années en prise avec la nature et une totale liberté de "
joyeux délires".
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