Pierma a écrit :
il faut tenir compte du refus essuyé par Reynaud lorsqu'il a proposé le projet d'Union franco-anglaise.
(...) Reynaud le présente au Conseil des ministres et se prend la douche froide de ses beaux jours
Le refus du projet d'Union n'entraine pas automatiquement une demande d'armistice par le gouvernement français. Il est parfaitement envisageable de continuer le combat sans signer un accord d'Union. En l'absence d'
union, l'Angleterre reste tout de même un allié de la France. Le traité franco-anglais du 28 mars reste valable, ce qui est un argument puissant pour les adversaires de l'armistice qui sont encore nombreux.
En outre, Jeanneney (président du Sénat) et Herriot (président de la Chambre des députés) ne sont pas opposés à la poursuite de la guerre. Jeanneney et Herriot n'ont pas encouragé Reynaud à démissionner.
Narduccio a écrit :
Il semble seul, sans appui véritable et il ne peut compter que sur quelques soutiens, Mandel, Blum, et de Gaulle. Au gouvernement il pense n'avoir que quelques soutiens, environ 1/3 des ministres, et on ne peut pas réunir les Chambres pour poser la question de fond.
Il est vrai que sa position n'est pas très confortable. Pourquoi n'a-t'il pas présenté sa démission 4 ou 5 jours plus tôt ?
Narduccio a écrit :
Le Président Lebrun veut refuser encore une fois la démission de Reynaud. Or, celui-ci se pense en minorité au sein de son propre Conseil, il déclare donc à Lebrun : "Cela m'est impossible. Pour faire cette politique adressez-vous au Maréchal Pétain". Pour lui, à ce moment-là, il ressent que l'immense majorité des français est favorable à un armistice. Et presque tout l'entourage de Lebrun est favorable à l'armistice. Mais lui, refuse de le demander. Donc, et c'est le sens de sa réponse au Président Lebrun, si la seule solution est l'armistice, demandez à Pétain de devenir le Président du Conseil.
Reynaud ne veut pas entrer dans l'Histoire comme celui qui a demandé à l'Allemagne les « conditions » de l'armistice. C'est quand même sa réputation qui est en jeu.
Reynaud est persuadé que l'armistice est impossible puisque les « défaitistes » menés par Weygand, Darlan, Pétain n'oseront pas signer l'armistice si les exigences allemandes s'avèrent exorbitantes (occupation de la France tout entière ; occupation partielle ou totale de l'AFN ; reddition de la flotte de guerre).
Reynaud ne croit pas que Hitler accordera un armistice généreux à la France. L'armistice est donc théoriquement impossible. Le gouvernement refusera de signer l'armistice. Pétain devra démissionner puisqu'il aura échoué à obtenir une armistice « honorable ». Albert Lebrun demandera à Reynaud de reprendre les fonctions qu'il a quittées le 16 juin. Le gouvernement quittera Bordeaux pour aller à Alger.
Narduccio a écrit :
On peut considérer qu'il joue un peu à Ponce-Pilate et qu'il s'en lave les mains, laissant la responsabilité du choix au Président Lebrun. Si celui-ci nomme Pétain, ce sera l'armistice, s'il charge quelqu'un d'autre de former un gouvernement ...
Si Lebrun nomme Pétain, ce ne sera pas nécessairement l'armistice, ce sera seulement la demande des « conditions » d'armistice.
Le 25 mai, Reynaud prend la parole lors de la réunion du comité de guerre :
« Il n'est pas certain que notre adversaire nous accordera un armistice immédiat. N'est-il pas indispensable d'éviter la capture du gouvernement, si l'ennemi entre à Paris ? » Albert Lebrun n'a pas oublié qu'un armistice est théoriquement impossible à cause du traité signé le 28 mars. Mais cela ne semble pas le préoccuper outre mesure car il déclare :
« Nous avons signé des engagements qui nous interdisent une paix séparée. Nous devons toutefois, si l'Allemagne nous offrait des conditions relativement avantageuses, les examiner de très prés et en délibérer à tête reposée. »Le 15 juin Camille Chautemps, lors du Conseil des ministres, fait une suggestion à Reynaud :
« Je suis convaincu que les Allemands à la conclusion d'un armistice seront inacceptables. Encore faut-il en faire la démonstration. Pour cela il faut les demander. Lorsque cette démonstration sera faite, le peuple français comprendra que le gouvernement n'a pas d'autres issue que de quitter la France et tous les ministres suivront en Afrique du Nord. » Le jour même Reynaud informe Ronald Campbell, ambassadeur du Royaume-Uni, des discussions qui se sont déroulées lors du Conseil des ministres.
Il est facile d'imaginer l'étonnement de Reynaud le 22 juin quand il apprend les clauses de l'armistice qui est signé à Rethondes. Elles sont dures mais elles ne sont pas exorbitantes. Contrairement à Mussolini, Hitler n'a pas songé à l'occupation de certains points stratégiques (Oran, Alger, Casablanca) ni à la confiscation de la flotte française. Il a bien compris que le gouvernement français serait tenté de poursuivre la lutte si on lui proposait un armistice trop sévère.
Revenons quelques jours en arrière. Le 18 juin à Munich, Mussolini tombe des nues quand Hitler lui explique qu'il faut être indulgent avec la France. Mussolini doit renoncer à ses ambitions, notamment l'occupation de la Corse, de la Tunisie, et des départements français situés à l'est du Rhône.
À Rethondes le 22 juin, le général Huntziger prend connaissance des « conditions » de l'armistice. Il constate qu'elles sont sévères mais qu'elles ne sont pas excessives. Je pense qu'il a dû ressentir un grand soulagement à ce moment là. Quelques instants plus tard, il obtient par téléphone l'autorisation du gouvernement de signer le document.
Narduccio a écrit :
il faut se mettre à la place de Reynaud les 15 et 16 juin 1940.
C'est ce que je m'efforce de faire. Reynaud n'a pas imaginé que les exigences allemandes seraient relativement clémentes. Son erreur d'appréciation est facilement pardonnable car les propos de Mussolini le 18 juin à Munich prouvent aux historiens que la mansuétude vis-à-vis de la France n'était pas une évidence.