Pédro a écrit :
Financement de Mélenchon par la Chine ? Il va falloir que vous publiiez un bouquin là dessus.
Je n'en ai pas mais je viens de lire cet article du
Point du 25 février 2020 n°2532 sur l'entrisme diplomatique de la Chine communiste dans les universités :
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Début septembre 2019, à Urumqi, capitale de la région ouïgoure du Xinjiang, dans l'ouest de la Chine, Christian Mestre, élégant doyen honoraire de la faculté de droit de Strasbourg, participe à un « séminaire international sur la lutte contre le terrorisme, la déradicalisation et la protection des droits de l'homme », organisé par la République populaire de Chine. Ses déclarations sont retranscrites par les médias d'État, l'agence Xinhua et le quotidien nationaliste Global Times. Pour Pékin, elles valent de l'or.
« J'espère que la France et d'autres pays européens pourront adopter les réponses données par le Xinjiang », plaide le doyen Mestre, à en croire les journalistes chinois. Il a lui-même visité à Kashgar un des « centres d'éducation professionnelle », le nom donné par Pékin à ses camps de rééducation. Il garantit que les autorités chinoises disent vrai : non, elles n'ont pas interné de force des centaines de milliers de Ouïgours. « Ces gens ne sont pas en prison, mais envoyés en formation obligatoire », atteste le professeur.
En France, regrette-t-il, les restrictions des libertés restent « insuffisantes ». « Il serait nécessaire d'augmenter le contrôle d'une partie de la population […] intéressée par les appels au djihad. » Cette apologie de la rééducation de populations musulmanes par la Chine, portée par le référent laïcité de la Conférence des présidents d'université de France, est pourtant passée inaperçue. Le débat sur les Ouïgours est alors avancé aux États-Unis, qui votent en ce même mois de septembre 2019 une loi pour défendre les droits de cette minorité. La France, elle, ne s'éveillera vraiment à la question qu'en 2020.
Interrogés aujourd'hui, les sinologues de l'université de Strasbourg n'en reviennent pas. […] « Ce n'est pas notre rôle d'universitaires de porter un tel discours politique. Car ce n'est même plus de la naïveté que de dire cela, c'est du négationnisme. » […] « C'est digne des voyages d'Aragon en URSS, ou des collaborationnistes dans l'Allemagne nazie. » Interrogé, Christian Mestre […] nie avoir défendu par là la politique chinoise au Xinjiang, et accuse les journalistes d'avoir inventé certains propos. Dans ce cas, pourquoi n'avoir pas démenti depuis dix-huit mois ? […] Il finit par admettre : « Je reconnais que j'ai été instrumentalisé. » […]
En haut lieu, l'influence croissante de la Chine dans le monde académique français est taboue. Les directions protègent la manne des frais de scolarité des 35 000 étudiants chinois en France et des coopérations bilatérales. […] Dix-huit Instituts Confucius, destinés à l'enseignement du chinois et à la promotion de la culture chinoise, ont ouvert en France en quinze ans, dont dix dans des établissements supérieurs.
Dans d'autres pays occidentaux, pourtant, l'entrisme de la République populaire dans l'enseignement supérieur est devenu une affaire d'État. En 2020, Washington a classé le réseau des Instituts Confucius comme « mission diplomatique », pour se donner les moyens de contenir ses opérations d'influence, et a restreint l'accès des étudiants chinois. Les campus australiens (qui accueillent 260 000 étudiants chinois !) se déchirent entre pro et anti-Chine. À Brisbane, en juillet 2019 , un sit-in d'une poignée d'étudiants soutenant la démocratie à Hongkong a été violemment pris à partie par des centaines d'étudiants chinois et des gros bras envoyés par le consul de Chine. Cet incident, et une cascade de révélations, a poussé Canberra à lancer une enquête parlementaire sur les ingérences étrangères dans ses universités. En Europe, la Belgique a expulsé en 2019 le directeur de l'Institut Confucius de la VUB (l'Université libre de Bruxelles flamande), accusé d'espionnage. […]
Pourtant, dans le secret des amphis, les problèmes s'accumulent. Les experts français interrogés voient les Instituts Confucius comme des « chevaux de Troie ». Des « bras armés de la propagande, juge carrément la tibétologue Françoise Robin, de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Même avec des cours de langue, on peut faire passer des idées politiques, comme montrer des cartes de Chine qui incluent Taïwan. L'Institut Confucius a tenté d'entrer à l'Inalco, mais nous n'en avons pas besoin, cela fait cent cinquante ans que nous enseignons le chinois. » La vénérable école des Langues O' sait se défendre. En 2016, elle a invité le dalaï-lama pour une conférence. « L'Inalco a reçu des courriers officiels de l'ambassade de Chine demandant à ce que l'on ne le reçoive pas », se rappelle la tibétologue. Une lettre consultée par Le Point dissimule derrière une litote un avertissement sur le « maintien de la bonne relation entre l'Inalco et la Chine ».
« Ils sont aussi venus deux fois, ajoute la professeure Robin. À l'oral, ils sont moins subtils. » La direction craint alors que l'envoi d'une trentaine d'étudiants en échange en Chine soit mis en péril. « La présidente de l'époque, Manuelle Franck, était choquée. Elle a tenu bon. Elle a elle-même été présente sur scène durant toute la conférence, alors que l'ambassade le lui avait défendu. Finalement, il n'y a eu aucun problème. Elle s'est même rendue au mois de décembre suivant en Chine et y a signé de nouveaux accords de coopération ! Cela prouve qu'il ne faut pas céder. Sinon, ils vous considèrent comme faible. »
[…]
À l'université de Strasbourg, on s'est sans doute dit la même chose, quand la région Alsace a signé à la fin des années 2000 des accords avec la Chine prévoyant notamment la création d'un Institut Confucius. Une première tentative d'intégration à l'université échoue en 2008. L'institut s'est donc ouvert à l'extérieur. « À partir de l'automne 2012, l'université a subi beaucoup de pressions, pas seulement de la Chine, mais aussi de la région, pour l'intégrer en son sein », confie Marie Bizais-Lillig, spécialiste de littérature chinoise, qui a tenté à l'époque de trouver un compromis. […] L'institut restera à sa place, indépendant de l'université, dans un appartement mis à disposition par la ville de Strasbourg. Des échecs et des scandales ailleurs confirment les universitaires strasbourgeois dans leur prudence. En septembre 2013, leurs confrères lyonnais claquent la porte de l'Institut Confucius intégré à Lyon 2 et 3. Il n'y survivra pas. Après quatre ans de relative liberté pédagogique, le Hanban, quartier général des instituts, a fini par vouloir censurer les programmes.
Tandis que les sinologues s'effarouchent, Mestre, expert du droit européen, devient le champion de Pékin à l'université. En septembre 2014, sa faculté accueille une série de manifestations sur le Tibet, avec des conférences, expositions, danses et concerts organisés « à la demande du consulat général de la Chine à Strasbourg », selon les termes d'un mail envoyé par le doyen. […] L'épouse du doyen, ex-étudiante de l'École de management de Strasbourg, a créé début 2013 Sinostras, société d'événementiel à la manœuvre pour la Semaine du Tibet. « La conférence inaugurale assurait que le Tibet n'avait jamais été annexé, que l'intervention chinoise de 1950 était réclamée par les Tibétains », se souvient Nicolas Nord, maître de conférences en droit. L'ironie, selon Nord, est que Mestre, qui avait été son professeur dans les années 1990, donnait autrefois dans ses cours l'invasion du Tibet comme l'exemple type d'une agression en droit international !
[…]
Ceux qu'effrayait l'idylle du mandarin français avec la propagande chinoise ont cru qu'il avait raccroché en 2016, quand il a échoué à se faire réélire doyen. […] « L'une des motivations, il ne s'en est jamais caché, c'était de voyager dans des conditions royales, confie Nicolas Nord. Cela lui a offert une forme de revanche par rapport à tout ce qui s'est passé, notamment à la fin de son mandat de président. » À moins de 40 ans, Mestre avait présidé de 1998 à 2003 l'université Robert- Schuman, un établissement fusionné par la suite dans l'université de Strasbourg. Ces débuts prometteurs s'étaient mal passés, tout comme son mandat de doyen.
Il va donc se refaire en Chine. En novembre 2017, il est engagé comme professeur associé à l'université du Sud-Ouest, à Chongqing, et devient Senior Adjunct Fellow au Charhar Institute – dont l'ex-consul à Strasbourg est secrétaire général. […]
Cette stratégie de séduction globale vise d'abord les « délaissés », les pays et les régions laissés pour compte de la mondialisation libérale et du camp occidental, et les institutions de deuxième ou troisième rang, comme certaines universités françaises. Dans cette diplomatie parallèle, on masque les ambitions tournées contre les démocraties occidentales et les sujets qui fâchent. Tout est « enrobé dans une sorte de coulis mielleux », l'image d'une « civilisation pacifique », qui « voit dans la longue durée », résume Nadège Rolland. « En réalité, on n'est pas dans le soft power, prévient cette ancienne du ministère de la Défense. On est dans la puissance dure, orwellienne. » Comme quand le Front uni monte en ligne pour défendre la Chine sur les Ouïgours ou Hongkong. […]
Ne le croisant plus qu'une ou deux fois par an sur leur campus, les collègues de Mestre à l'université de Strasbourg l'ont presque oublié. Mais la Chine se rappelle à eux. Le 24 janvier 2019, le département de chinois accueille une journée d'études sur la « population ouïgoure au Xinjiang, entre acculturation et persécutions », un colloque avec certains des meilleurs spécialistes francophones de la question. Le consulat de Chine a menacé en vain la présidence de l'université de Strasbourg. Faute d'avoir fait annuler l'événement, deux envoyés du consulat, qui se présentent comme de simples citoyens chinois, perturbent les débats. Le directeur du département, Thomas Boutonnet, se retrouve pris en tenaille entre la « pugnacité et la violence » des paroles des trouble-fête et les réactions du public. « J'ai coupé court au bout d'un quart d'heure, raconte-t-il. Ce qui m'a mis hors de moi, c'est quand je me suis aperçu qu'ils avaient déposé des petits pamphlets sur “Les progrès de la cause des droits de l'homme au Xinjiang” sur les tables à la sortie, comme s'il s'agissait de documents officiels du séminaire. Ça a été la goutte de trop. Le président de l'université de Strasbourg, Michel Deneken, a fait ce qu'il fallait et a écrit au consul un courrier en mettant en valeur la liberté scientifique. »
Rien n'a filtré publiquement, au risque de donner aux diplomates chinois un sentiment d'impunité. En avril 2019, Nicolas Nord dîne au consulat de Chine. Le doyen honoraire est là. « J'ai assisté bien malgré moi à la genèse du voyage de Christian Mestre au Xinjiang, admet-il. Le consul lui a fait cette proposition d'un voyage tous frais payés. En quelques minutes, c'était réglé. » […] Le séminaire est encore une fois organisé par la Société chinoise pour les études sur les droits de l'homme et présidé par le numéro deux du Bureau central de la propagande, Jiang Jianguo ! Mestre, lui, a prononcé un des discours d'ouverture. Et il ne s'est pas arrêté là. Il a continué d'intervenir dans des médias chinois en 2020, cette fois sur le Covid-19. Au cours d'une conférence organisée à Chongqing, par la même Société chinoise, il a accusé le gouvernement français d'avoir privé les « groupes vulnérables » et les « soignants » de leur droit à la vie, par sa « négligence » et ses « erreurs ». Et d'appeler ses collègues chinois à « organiser d'ici à deux ou trois ans une conférence spéciale sur la responsabilité des États pour avoir enfreint les droits de l'homme lors de la crise du coronavirus ». Pour faire le procès des dirigeants occidentaux, pas de Pékin.
[…] Ce cocktail de cynisme et de naïveté pose de vrais problèmes de sécurité nationale et de souveraineté des institutions démocratiques. Si les élites se vendent à la Chine et des mandarins se transforment en lobbyistes, blanchissent le plus grand internement de masse de notre époque, c'est qu'il y a un grave problème de déontologie dans les élites françaises. Après, on s'étonnera de la méfiance généralisée dans la population. »
2020, Le Point 2532, 47-50
Je me souviens de la courte campagne spontanée, en dehors de toute urgence médiatique, de Mélenchon en faveur de la colonisation chinoise au Tibet. Tout ce qu'il disait aurait pu légimiser une recolonisation de l'Algérie par la France, par exemple. Il y mentait, en affirmant que c'était (aussi) justifié par la peine de mort au Tibet, alors que cet État était un des tous premiers à l'abolir et que la Chine communiste l'applique toujours... Puis il a disparu. Je me suis demandé s'il l'avait fait par proximité idéologique avec les totalitarisme communiste, ou juste en échange de faveurs d'officines du PCF qui l'auraient contacté à cet effet.