Lucius Aemilius a écrit :
1/ Je reviens sur la question de Pierre. Je n'ai pas bien compris votre réponse hormis le fait que ce serait "une blague" de la part de Jésus qui se serait amusé à donner des "sobriquets" à ses amis. Je suis à Matthieu pour l'instant et il est écrit (bible Segond 21), Mt 16, 18 "Et moi, je te dis que tu es Pierre et que sur ce rocher je construirai mon Eglise,". J'ai l'impression qu'il y a un jeu de mots auxquels je n'ai pas accès faute de culture. Pouvez-vous m'expliquer les ressorts de cette "blague" ?
Bonjour,
Comme il a déjà été noté, il y a un premier jeu mot trop évident Petros (Pierre) vs. petra (rocher).
Mais en fait, il y a autre chose derrière cette phrase.
Tout d'abord, la phrase complète est "je te dis que tu es Pierre et que sur ce rocher je construirai mon Eglise ; et les portes de la Mort ne l’emporteront pas sur elle." (je ne cite pas forcément la traduction de Louis Ségond telle quelle).
On a tendance à oublier cette partie "et les portes de la Mort ne l’emporteront pas sur elle", or elle est cruciale.
Dans certains enseignements juifs antiques (les midrashs), la porte, qui oscille, est le symbole de ce qui ne se tient pas droit.
Chez Matthieu dans ce passage, la porte est donc logiquement associée à la Mort (Hadès en grec, renvoyant à l'image du Shéol dans la Bible), c'est-à-dire l'idolâtrie.
Bâtir, c'est donner la Loi (c'est-à-dire la nouvelle voie voulue et enseignée par Jésus), on bâtit avec ce qui est solide, et non avec ce qui flanche, comme une porte.
Cf. Maurice Mergui, Comprendre les Origines du Christianisme.
Lucius Aemilius a écrit :
2/ Toujours sur la problématique des noms (c'est très confusant pour quelqu'un qui lit sans culture chrétienne : Jésus/Emmanuel, Simon/Pierre, Matthieu/Lévi) il est écrit au début de l'évangile selon Matthieu dans la bible Segond 21 : "L'évangile de Matthieu est attribué à Matthieu ou Lévi, ancien collecteur d'impôts". D'où sort ce nom de Lévi ?
Pourquoi attribue-t-on cet évangile à Matthieu ? En effet, celui-ci apparaît dans l'évangile en 9, 9 : "Jésus partit de là. En passant, il vit un homme assis au bureau des taxes et qui s'appelaient Matthieu. Il lui dit : "suis moi". Cet homme se leva et le suivit." Rien n'indique que c'est Matthieu qui rédige l'évangile et il n'y a pas d'autres références à lui (hormis en 10, 3 dans la liste des disciples).
Matthieu 9.9 Jésus partit de là et vit, en passant, un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de collecteur d’impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit.
Marc 2.14 2.14 En passant, il aperçut Lévi, fils d’Alphée, assis au bureau des impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit.
Jean 5.27 Après cela, Jésus sortit et remarqua un un collecteur d’impôts du nom de Lévi assis au bureau des impôts. Il lui dit : « Suis-moi. »
De plus, dans les trois cas, ces passages sont situés juste après la guérison d'un paralytique.
Un paralytique, c'est quelqu'un qui ne peut pas marcher, il ne suit donc pas la voie, la halakha en hébreu, qui signifie aussi la Loi. C'est donc un idolâtre.
Ce que veulent dire ces trois passages, c'est que le Messie, selon les Écritures, doit venir pour faire entrer les païens (les idolâtres, donc) dans la Loi. Quant aux Juifs, via l'allusion à la taxe et aux impôts, qui dans le midrash symbolise la circoncision, et via le nom "Lévi", frère de Joseph, fils de Jacob, ils seront sauvés ensuite.
Il y a 12 apôtres, et cela fait longtemps qu'on a remarqué qu'il y a un parallélisme avec les 12 fils de Jacob-Israël (là aussi un changement de nom, n'est-ce pas ?), et en particulier à l'origine les même noms pour nombre d'entre eux.
La plupart des apôtres sont amenés à changer de nom, comme Lévi -> Matthieu, Jude -> Thomas, Siméon -> Pierre, etc.
Il s'agit ici de la réparation symbolique du rapt de Joseph, lequel est l'archétype du Messie, et donc une des préfigurations du Christ.
Cf. Maurice Mergui, Un étranger sur le toit, les sources midrashiques des Evangiles.
Lucius Aemilius a écrit :
3/ Pourquoi Jésus est-il appelé le Fils de l'homme ? Cette dénomination apparaît également en Dn 7, 13 mais on remarque que la graphie n'est pas la même "fils de l'homme" en Daniel et "Fils de l'homme" en Matthieu (avec une majuscule). Pourquoi cette expression et pourquoi cette graphie ?
Tout d'abord, il n'y a ni minuscule ni majuscule en hébreu ou en araméen, le choix de capitaliser ou nom la première lettre du mot "homme" est donc un choix éditorial.
En fait l'expression "fils de l'Homme" dans les Evangiles n'est sans doute pas tant empruntée à Daniel qu'au Livre d'Hénoch dans lequel elle apparaît à de nombreuses reprises.
Ensuite le fils était la promesse de la réalisation du monde à venir (olam haba en hébreu) dans la croyance juive antique, si bien qu'il est devenu synonyme de Messie et de Sauveur.
Sachant qu'en hébreu, Adam désigne à la fois Adam lui-même et l'humanité, l'expression ben adam (fils de l'homme) signifie donc symboliquement Sauveur de l'Humanité, c'est-à-dire le Messie, le Christ.