Cette question, j'ai déjà du la traiter lors de mon mémoire de maîtrise d'histoire sur l'ère Meiji (1868-1912) vue par
la revue des deux monde, périodique français. Ainsi, je peux même vous copier/coller cette partie de mon mémoire afin que cela soit plus précis :
Dans son mémoire, le Mouli a écrit :
La guerre russo-japonaise (1894-1905)
Les convoitises sur la Corée et la Mandchourie sont à l’origine du conflit. En octobre 1895, la mort de l’impératrice de Corée consécutive à une tentative de coup d’Etat soutenu par l’armée japonaise cantonnée dans la péninsule, provoque une réaction nationale et conservatrice. Elle trouve appui auprès des Russes présents depuis les accords de 1896 (concessions territoriales et ferroviaires leur permettant de traverser la Mandchourie pour joindre Vladivostok). Les tentatives de conciliation ne font qu’exacerber la concurrence entre les deux pays. Les Russes font tout pour contrarier la prédominance nippone sur un marché essentiel. En cédant leurs droits aux concurrents du Japon, en obtenant la concession de la construction de la ligne de chemin de fer liant Harbin à Port-Arthur, en louant à Pékin le droit d’occupation de Port-Arthur et de la presqu’île du Liadong, ils humilient profondément un Japon où le sentiment national s’inquiète aussi de la présence américaine aux Philippines (1898) et aux îles Hawaï (1893).
La révolte des Boxers en 1900 n’ouvre qu’une parenthèse dans le conflit de fond qui s’est tissé. L’intervention japonaise, sollicitée par les Anglais compromis dans la guerre des Boers, donne plutôt l’occasion à Tokyo de démontrer la maîtrise de son armée, la seule à ne pas se livrer à des pillages systématiques. Elle permet aussi un rapprochement avec l’Angleterre pour laquelle les ambitions russes en Chine et en Mandchourie sont devenues insupportables. Le traité signé en 1902 accorde des garanties importantes : position prépondérante en Corée, intérêts partagés en Chine. Au-delà, les deux pays scellent une véritable alliance militaire en cas de conflit de l’une ou de l’autre contre plusieurs nations.
En avril 1902, les promesses russes –retirer les troupes de Mandchourie à l’exception des territoires concédés en 1898 pour la construction du chemin de fer –ont été oubliées. Les troupes du Tsar se sont renforcées à Port-Arthur et dans la vallée du Yalu. Les accords de statu quo territorial en Corée passés avec le Japon en 1901 sont très largement bafoués. A Tokyo, à l’exception des socialistes comme Kotoku Suichi et des chrétiens de gauche tels que Uchimura Naoe, l’opinion japonaise est unanime pour dénoncer ces violations et défendre les intérêts nationaux en Corée. Pierre Leroy-Baulieu examine cette tension dans son article du 15 mars 1904.
« Quand les points de vue de deux pays sont aussi irréductibles sur une question qu’ils considèrent comme vitale, la guerre doit s’ensuivre presque nécessairement, surtout si, par surcroît, il ne règne entre eux aucune confiance mutuelle. Or c’était le cas ici. Jamais, le Japon n’a voulu croire à la sincérité de la Russie depuis qu’elle s’est fait céder en 1900 Port Arthur par la Chine, alors qu’en 1895, cette même Russie avait exigé du Japon qu’il renonçât à ce même Port Arthur, lui signifiant que l’établissement en ce point d’une force étrangère serait un danger pour l’indépendance et l’intégrité de la Chine. N’était ce pas l’aveu que la Russie faisait bon marché de cette indépendance ? » (21 p.400)
Responsables gouvernementaux, petits et grands entrepreneurs, journalistes et intellectuels, tous sont favorables à la guerre. Il faut dire que toutes les conditions sont bonnes : le programme naval japonais est achevé tandis que celui de la Russie ne l’est pas ; le Transsibérien n’est pas achevé dans la région du lac Baïkal. En janvier 1904, les Russes reçoivent un ultimatum exigeant une reconnaissance définitive de la souveraineté chinoise en Mandchourie. Devant les atermoiements de Saint Petersbourg, Tokyo annonce prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de ses droits en Corée. Le 6 février 1904, les navires de guerre japonais entrent dans les eaux coréennes et se dirigent vers Port-Arthur pour y détruire la flotte russe. Mais ce n’est qu’une fois les hostilités engagées, le 10 février, que la guerre est déclarée à la Russie.
Une chape d’incertitude pèse sur la décision japonaise : possède-t-on suffisamment de matériel pour faire face à une résistance ennemi ? Les réserves et la capacité de production industrielles sont insuffisantes. A de nombreux égards, les Russes sont favoris. Heureusement, l’alliance anglaise est un atout considérable : la neutralité de Londres inhibe toute participation occidentale aux côtés des Russes.
« L’échec de la politique d’intégrité a eu pour cause première l’abstention de la Grande Bretagne lors de l’abstention de 1895 (…), l’Angleterre commença cette politique personnelle qui allait, en faisant d’elle, quelques années plus tard, l’alliée du Japon, contribuer pour une si large part à la guerre qui sévit sous nos yeux ? » (27 p.548)
L’Angleterre hésita un temps entre la solidarité des puissances continentale ou l’isolement avec le Japon… Elle choisit d’appliquer son célèbre « splendide isolement », alliance japonaise pour ses intérêts immédiats du commerce et la vieille animosité contre la Russie. Les alliés britanniques disposent des ressources financières les plus importantes du monde. De fait, les emprunts contractés à Londres, New York et Berlin vont financer à 80% l’effort de guerre nippon. Au-delà, les Russes commettent une double faute, à la fois tactique et stratégique. Tactique, car ils n’estiment la capacité de combat des forces japonaises et n’ont sur le terrain que 150 000 hommes peu aguerris, mal équipés et mal entraînés face aux 180 000 Japonais ; stratégique, car l’essentiel de l’armée est resté stationnée en Europe. Pour avoir la maîtrise des mers et acheminer des troupes, la marine impériale doit faire appel à la flotte de la Baltique qui, pour joindre l’Extrême Orient, doit faire le détour africain (les Anglais leur ont interdit le passage par le canal de Suez). Ce n’est qu’en mai 1905 que les Russes, épuisés par un périple de huit mois, arriveront enfin dans les eaux du conflit.
Sur le terrain, les succès des Japonais sont d’abord faciles. En mai 1904, le recul des Russes à la frontière coréenne a ouvert la Mandchourie au général Oyama. Par la suite, la résistance des soldats du Tsar, meilleure, s’oppose à une armée japonaise déterminée certes, mais qui manque cruellement de munitions. Port-Arthur ne tombe qu’en janvier 1905, après six mois de siège. Au mois de mars suivant, les Russes sont défaits à Mukden mais les troupes acheminées par le Transsibérien ont repris l’avantage tant en hommes qu’en munitions. Hélas pour les Russes, contrairement à l’avis des officiers du champ de bataille favorable à une reprise précoce de l’initiative, le commandement général souhaite une action combinée avec la flotte pour couper la retraite à l’ennemi et l’anéantir. Quand elle se présente le 27 mai da le détroit de Tsushima, l’escadre de la Baltique est surprise et coulée par la marine japonaise. C’est un désastre. Alors que la guerre est finie, celle-ci vérifie les pensées qu’eut Pierre Leroy-Baulieu à l’occasion du commencement de la guerre :
« L’avenir qu’ouvre la guerre entre la Russie et le Japon reste gros de menace. En admettant que la victoire de la Russie sur terre soit plus promptement acquise qu’on ne le pense en général, cette première grande guerre entre Blanc et Jaune aura montrer que le Japon après s’être mis trente ans à l’école des Blancs, peuvent, sinon les vaincre, du moins lutter contre eux. » (21 p.419)
Le « péril jaune » est né… Le Japon ne peut pas pour autant terminer une guerre qu’il estime avoir remportée : 60 000 morts ; une dette nationale de 2,4 milliards de yen, dix fois le budget annuel et vingt fois le montant des revenus provenant des impôts. Pour continuer la guerre pendant un an encore, il faudrait emprunter un milliard de yen. Ce serait une dépendance financière insupportable à l’égard des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Tokyo accepte les bons offices proposés par le président Roosevelt pour gagner aussi la paix et profiter d’une situation de force. Malgré l’avis de ses généraux, décidés à continuer la guerre contre un ennemi épuisé, le Tsar consent à la trêve proposée le 12 juin et à l’engagement de pourparlers à Portsmouth (New Hampshire) pour le mois de septembre. En octobre, toute ambition offensive est compromise par les troubles intérieurs.
Voilà, j'espère avoir été assez clair dans cet exposé (en tout cas, je l'avais été pour mon maître de recherche
).
Ah et je ne demanderai qu'une chose : s'il vous plait, qu'on arrête de parler de traitrise des Japonais et des Russes, tous mignons, qui ne s'y attendaient pas, les pauvres. Les Japonais (qui ne sont pas des anges, loin de là) ont provoqué la guerre, certes, mais c'était à l'issue de diverses provocations russes. Pensaient ils que les Japonais, comme tout peuple oriental molasson (comme ils en asservissaient en Russie même) ne réagiraient pas et que donc, ils avaient le champ libre? Du mépris...
Arg, je commence à déroger à ma propre règle qui est de ne pas émettre de jugement sur une affaire historique passée. Sur ce, donc, je m'arrête.