Atlante a écrit :
Toutes ces questions m'ayant interpellé, alors que j'étais justement en train de dépouiller le XVIIe d'une paroisse très rurale de mon département (Gombergean, ex canton de Saint-Amand-Longpré, pour situer, environ 300 à 400 âmes au compteur à cette époque), j'ai entrepris de faire quelques tests sur une période exploitable. Exploitable parce qu'elle me semblait à peu près bien informée tant en baptêmes et mariages, qu'en sépultures (les sépultures d'enfants n'étant pas systématiquement consignées à cette époque). J'ai donc pris tous les baptêmes enregistrés entre 1665 et 1699 en essayant de voir ce qu'étaient devenus tous ces enfants, soit aux alentours de 390 personnes.
Mon étude n'est pas terminée, c'est un travail de longue haleine et pas évident du tout. Mais les premiers constats sont assez terribles. 200 de ces enfants n'ont pas atteint le mariage, la majorité étant morts avant l'âge de cinq ans. 95 ont convolé en justes noces. Et il y en a 93 encore dont le sort m'échappe totalement (mais Gombergean est entouré de communes où il y a de grosses lacunes). Et il y a une famille dont le sort m'a particulièrement attristée : sur 10 enfants, 9 sont morts avant l'âge adulte. Seule une fille s'est mariée, à 20 ans. Et elle est morte à 21... je ne vous fais pas un dessin du pourquoi du comment. Beaucoup plus tard, devenu veuf, le père se remariera sur ses vieux jours avec une jeune femme, dont un autre enfant... qui n'atteindra pas sa première année.
Gombergean n'est pas une commune spécialement mal lotie, quoique un peu isolée. Les habitants y vivent majoritairement de la culture des céréales, sur une terre qui, si elle n'est pas aussi fertile que les terres beauceronnes, permet tout de même de bonnes cultures. Il y a aussi des bois avec une activité de bûcherons et de charbonniers. Bref, une commune lambda, bien mieux pourvue que les paroisses de Sologne. Et pourtant, 50% ou quasiment de mortalité infantile à la fin du XVIIe.
Pour en revenir aux familles nobles et royales, la consanguinité, si je puis me permettre, est une explication "facile". Cependant, ce n'est pas la raison, seulement le facteur qui aggrave la fréquence des maladies génétiques présentes dans ces familles, notamment chez les Habsbourg. Par ailleurs, dans toutes ces familles bien dotées, les nourrissons ne sont pas allaités par leurs mères, mais par des nourrices. Même si on peut supposer qu'elles sont triées sur le volet, l'hygiène et la santé de ces femmes ont une incidence certaine sur la survie des enfants. Et puis les maladies, à ces époques, frappent indifféremment les enfants, quel que soit leur statut social (même si les enfants du peuple paient sans doute un plus lourd tribut). Les enfants nobles et royaux ont certainement des médecins à leur chevet... mais les traitements médicaux prisés en ces temps-là... hâtaient souvent le petit patient vers la terre consacrée.
J'en suis venu aussi au même taux en ce qui concerne le taux de mortalité infantile > 50%.
En effet, il faut bien vérifier que les toutes les sépultures des enfants de bas âge sont notées, car c'est souvent loin d'être le cas.
Un taux de mortalité infantile entre 19 et 22% me semble étrangement bas!
La consanguinité peut être un inconvénient dans les familles qui ont des maladies hériditaires, mais dans les autres, il n'y a sans doute pas de problème.
Une étude avait été faite avec les registres paroissiaux en Islande. A cette époque, la population était restreinte, et les mariages entre cousins germains étaient assez fréquent. Ils ont constaté que les couples cousins germains avaient plus d'enfants que les autres, probablement en raison d'une meilleure compatibilité.
Comme quoi, la consanguinité n'est pas aussi délétère qu'on semble le croire..