Zadrobilek a écrit :
J'ai juste une remarque sur la manière dont s'est déroulé le débat sur ces dernières pages : l'argumentation de Tolan me paraît assez faible, notamment sur un point : les distinctions "raciales" ne s'opéreraient que sur la base du phénotype, en d'autres termes les caractères visibles. Il me paraît curieux que le prétendu isolement génétique propre à la sélection de "races" n'ait sélectionné que des caractères distinctifs visibles et aucun lié à la physiologie. D'autant que j'ai lu d'autres partisans de l'existence des "races", plus profus rhétoriquement, qui identifient davantage de "foyers primordiaux" - sept il me semble - et distinguent européens du Nord et habitants du Bassin Méditerranéen par exemple.
Vous faites sans doute allusion aux travaux de Bryan Sykes. A l'époque (ça remonte à une vingtaine d'années), il parlait surtout de sept femmes dont descendent tous les Européens, sur un laps de temps de 30 000 à 8 000 ans (de mémoire, il se peut que ce soit un peu plus large). A l'échelle du monde entier, il me semble que c'était onze (mais ça fait longtemps que je n'ai pas relu son bouquin). Et il parlait, très intéressant aussi, d'une "Eve" mitochondriale dont descend toute humanité actuelle qui vivait il y a environ 200 000 ans dans le sud de l'actuelle Egypte. Donc, même pas une représentante de l'espèce Sapiens, pour le coup (à moins que l'apparition de ces derniers aient été reculées dans le temps depuis lors). Ses travaux concernaient donc essentiellement l'ADN mitochondrial (transmis par les femmes).
Malheureusement, à l'époque, il n'avait pas encore les moyens techniques de se pencher sur les hommes et il me semble que de ce côté-là, l'échantillon "originel" est encore plus réduit.
Depuis lors, les techniques de l'étude de l'ADN ont évolué et les connaissances sur les lignées génétiques aussi. ll existe même des sociétés (pas en France, car c'est interdit pour le moment) qui proposent des kits aux amateurs de généalogie par ADN permettant d'analyser à la fois ADN mitochondrial, du chromosome Y et autosomal. Je n'ai pas testé, le coût, sans être super élevé, ne figure vraiment pas en tête de l'ordre de mes priorités, même si ça m'intéresse. Divers témoignages montrent en tout cas que ces kits ont apporté à pas mal de gens des réponses auxquelles ils ne s'attendaient pas et que leurs ancêtres lointains n'avaient rien de local ou de l'origine qu'ils leur supposaient.
Zadrobilek a écrit :
Par contre Tolan a raison quand il remarque chez ses opposants une certaine charge affective dans le débat (et spécifiquement chez Atlante et Narduccio). Du coup, je comprends que pour un lecteur a priori neutre et plutôt jeune, ce soient les opposants à l'existence des "races" qui passent pour des idéologues privilégiant leurs préférences éthico-politiques au détriment de la science.
Disons que pour un amateur d'histoire un tant soit peu objectif, le terme "race" pour des êtres humains renvoient à diverses choses qui se sont déroulées au cours de ces quatre derniers siècles (et sans doute avant) et qui ne sentent vraiment pas bon. Surtout quand cela s'appuie sur des considérations qui concernent l'aspect physique des susdits êtres humains, à savoir que les Africains sont noirs aux traits épatés (ce qui est faux dans l'absolu), les Européens pâles aux traits fins (ce qui est tout aussi faux dans l'absolu), les Asiatiques cuivrés aux cheveux raides et noirs (toujours aussi faux). Je grossis le trait, mais la réalité est bien plus variée, comme vous le savez, et à l'intérieur d'un même peuple, il y a déjà trop de divergences notables dans l'aspect physique pour en dégager un modèle à valeur de norme.
Zadrobilek a écrit :
La comparaison mélange ethnique des temps jadis et métissage contemporain m'a l'air par exemple tout à fait spécieuse, on pourrait même parler de deux phénomènes différents dans la mesure où de nos jours, il n'y a plus gère d'invasions-colonisations avec les conséquences que ça implique sur la structuration des populations et leurs choix matrimoniaux.
Je crains que vous ayez mal interprété mon propos. Le mot "métissage" est sans doute inapproprié, effectivement, puisqu'il implique un mélange entre deux entités distinctes (on ferait mieux d'employer ce terme pour les métissages entre Neandertal et les Sapiens, je pense). Parlons plutôt d'unions mixtes, c'est-à-dire entre individus qui ne sont pas issus du même peuple. Les "Invasions / Colonisations / Migrations", comme vous le dites, ont sans doute favorisé, à certaines périodes, le phénomène. Mais en fait, ces unions mixtes, qu'elles soient internes à un pays (pour la France, par exemple, on peut citer les maçons du Limousin, les scieurs de long du Forez, les ramoneurs savoyards pour l'Ancien Régime) ou externes sont constantes, du fait tout simplement des échanges commerciaux, des routes fluviales et terrestres et de ce qui pousse les hommes à partir voir sous d'autres cieux si l'herbe est plus verte quand les circonstances l'y poussent. Ce ne sont pas des individus isolés qui partent au hasard pour autant, mais des groupes qui suivent des itinéraires déjà balisés, des filières, des réseaux. Bien sûr, on peut toujours trouver des exceptions (Marco Polo, Christophe Colomb ou encore cet explorateur arabe dont le nom m'échappe qui a séjourné longuement parmi le peuple des "Rus" au XIe siècle). La curiosité est aussi un trait distinctif de l'être humain.
Zadrobilek a écrit :
Bref, ce débat me permet de comprendre le regain des théories "raciales" que j'ai observé chez les plus jeunes, qu'on ne pourra balayer en évoquant le spectre de faits appartenant, pour les générations les plus récentes, à une Histoire lointaine (celle des grands-parents voire des arrière-grand-parents, autrement dit la WW II est aussi lointaine pour les plus jeunes que la guerre franco-prussienne pour un type né en 1945). Bref le spectre était encore opérant dans les années 70 à 90, et il cesse peu à peu de l'être et devient même contre-productif.
Ça, ce n'est pas faux. Mais je ne suis pas sûre que les spectres soient plus efficaces que les discours argumentés car si certains jeunes se tournent effectivement vers des théories raciales plus que pestilentielles, ce n'est pas le cas de tous, heureusement, et il y a un nombre non négligeable de "vieux", qui sont allés à l'école dans les années 70 à 90, qui en font autant, avec des arguments identiques et tout aussi... bref, vous saisissez l'idée.
Disons que l'école a raté et rate encore un objectif fondamental : apprendre aux jeunes générations à maîtriser les pulsions instinctives de peur et rancune de l'autre au profit d'une réflexion approfondie du monde environnant. Malheureusement, j'ai bien peur qu'on soit encore loin du compte dans ce domaine.
Mais je crains fort qu'on s'écarte beaucoup du sujet.